08 avril 2022

Elections | Avec FAIR, la finance à impact social est en campagne

« Il y a une écoute et un intérêt de l’ensemble des candidats »
Clémence Vaugelade, Responsable plaidoyer de FAIR, revient sur les actions menées par le collectif pour promouvoir une épargne qui profite à tous, à l’occasion des élections présidentielle et législatives.

 

À l’approche des élections 2022, quelles actions FAIR a-t-elle mises en œuvre pour sensibiliser les candidats ?

Clémence Vaugelade : Dès le début 2021, nous nous sommes lancés avec nos membres dans un projet collectif de rédaction d’un nouveau livre blanc. L’évolution de l’écosystème et l’avancée de certaines de nos propositions durant le dernier quinquennat, nécessitaient en effet d’en rédiger un nouveau, suite à la publication du précédent en 2017. Six ateliers thématiques ont été mis en place : Finance et transition ; L’épargne solidaire des particuliers ; L’investissement des investisseurs institutionnels ; La finance à impact : quelles propositions pour innover ?; Finance et territoires et Europe et finance à impact social.
C’est sur cette base que nous avons élaboré notre Livre blanc « 10 propositions pour développer la finance à impact social ».
 

« Impact social » plus que « finance solidaire »…

Oui, car ce travail collectif a été d’autant plus important qu’il coïncidait aussi avec l’enjeu de la fusion d’iiLab et de Finansol et à la nécessité de faire travailler ensemble leurs membres. Le livre blanc est ainsi le reflet de ce périmètre élargi, car de fait, aujourd’hui, FAIR est le collectif qui promeut la finance à impact social, et en son sein, la finance solidaire.
 

Comment utilisez-vous ce document pour sensibiliser les candidats ?

Le livre blanc a été voté en conseil d’administration en décembre et est aujourd’hui publié et diffusé auprès des équipes de campagne des candidats. Nous avons rencontré des représentants de plusieurs partis politiques parmi lesquels France Insoumise, EELV, le Modem ainsi que LREM. Nous avons également présenté nos propositions à la secrétaire d’Etat chargée de l’économie sociale, solidaire et responsable, Olivia Grégoire.
 

Vous vous concentrez sur les candidats à l’élection présidentielle ?

Présidentielle et législatives sont nos cibles. C’est un travail en deux temps. Pour le moment, nous sommes concentrées sur l’élection majeure pour sensibiliser les équipes de campagne à nos sujets. Nous commençons par ailleurs à identifier les candidats aux élections législatives que nous allons contacter dans les prochaines semaines pour leur partager les propositions de FAIR.
Nous comptons également avec le soutien des acteurs et de nos membres locaux de la finance solidaire.
 

Comment sont reçues les propositions du livre blanc ?

Il est assez difficile d’émerger dans le contexte actuel et notamment international. On le voit aussi dans les médias : la campagne peine à être sur le devant de la scène. Pour autant, certaines de nos propositions ont fini par émerger dans les programmes de certains candidats. Par exemple, Yannick Jadot et Valérie Pécresse ont porté des propositions visant à utiliser l’épargne règlementée (Livret A et LDDS) pour mieux financer les transitions (voir la fiche de décryptage d’ESS France). Jean-Luc Mélenchon quant à lui a proposé d’orienter d’ici 2025 au moins 10% de l’actif des investisseurs institutionnels vers l’économie sociale et solidaire.
 

Le contexte international étouffe les autres sujets. Ne peut-il pas aussi favoriser certaines prises de conscience ?

Tout à fait. La crise sanitaire, mais aussi les enjeux de transition écologique, sociale, font qu’il y a une écoute et un intérêt de l’ensemble des candidats sur les enjeux de transformation de la finance. Par exemple, la finance solidaire permet d’orienter de l’épargne des citoyens vers des projets socialement utiles, parmi lesquels des projets de solidarité internationale qui concourent à la sécurité et la souveraineté alimentaires des populations. Un sujet grave qui réapparaît à la suite de la guerre en Ukraine et de ses probables conséquences sur la faim dans certains pays, ces prochains mois.
 

Vous évoquiez l’évolution de l’écosystème ces dernières années. Quels en sont les marqueurs ?

L’évolution marquante est l’adoption de la loi du 22 mai 2019, relative à la croissance et à la transformation des entreprises, dite loi Pacte. Avec, en particulier, l’obligation pour les assureurs de proposer une unité de compte [un investissement dans un fonds, ndlr] solidaire dans les contrats d’assurance-vie. Cette obligation est entrée en vigueur en janvier 2022 et porte sur trois unités de compte : investissement socialement responsable, « verte » et solidaire. C’est une belle avancée, dont on ne peut encore voir l’impact sur les encours de la finance solidaire, mais qui encourage déjà des assureurs à s’activer pour préparer ces unités de compte.
 

Vous vous félicitez aussi de la création du LDDS et d’autres avancées, obtenues grâce à la mobilisation des acteurs de la finance à impact…

La transformation du Livret Développement Durable en Livret Développement Durable et Solidaire a mis du temps à entrer en vigueur, mais est pleinement opérationnelle depuis octobre 2020. Elle permet à tous les épargnants de faire des dons depuis leur LDDS à des organisations de l’économie sociale et solidaire proposées par leur banque. Par ailleurs, 5% des encours de ce nouveau LDDS doivent permettre de financer l’économie sociale et solidaire. C’est une autre grande avancée pour la finance à impact social. Nous notons aussi des avancées concernant le régime fiscal lié à l’investissement solidaire en soutien à l’actionnariat solidaire. Enfin, ça bouge au niveau européen : la Commission européenne s’est engagée à mettre en œuvre un certain nombre d’actions pour développer l’économie sociale, notamment par la création d’outils financiers pour les entreprises sociales.
 

Quels sont les points d’achoppements et quelle serait la priorité aujourd’hui ?

Les propositions qui peinent à avancer, et que l’on retrouve logiquement dans notre nouveau Livre blanc, touchent à l’ouverture de l’investissement solidaire aux investisseurs institutionnels. On n’a pas beaucoup avancé depuis 5 ans sur ce sujet. Raison pour laquelle nous avons inscrit une proposition en ce sens en Une de notre Livre blanc 2022. La marge de progression est encore forte pour encourager ces acteurs à prendre le virage de l’investissement à impact social. Des blocages culturels et réglementaires doivent être levés et justifient notre action de sensibilisation des candidats.
 

Avec le périmètre élargi de la « finance à impact social », FAIR semble aussi mener une stratégie « globale » relative à la diversité de ses membres et de leur action. Quel est le tronc commun de votre mobilisation ?

Nous sommes clairement mobilisés pour pousser la France à être porteuse des sujets relatifs à la finance à impact. Cette position avancée doit nécessairement se traduire par des réalisations concrètes. Parmi celles-ci, il y a la construction d’écosystèmes locaux. Par exemple, dans les pays du Sud, nous travaillons, notamment avec l’Agence Française de Développement (AFD), à la mise en place d’écosystèmes financiers favorisant le développement durable et solidaire.
 
 
Par Yann-Patrick Bazire
 
 
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Propositions relatives à l’international, issues du Livre blanc « 10 propositions pour développer la finance à impact social », à découvrir ici.

 

Proposition #8 – Faire rayonner la finance solidaire à l’international

La finance solidaire, forme pionnière de la finance à impact social, a pu se développer à plus grande échelle en France grâce à une conjonction de trois facteurs : les initiatives des acteurs, le dynamisme des réseaux commerciaux et le soutien du législateur qui a prévu des dispositifs incitatifs comme les lois sur l’épargne salariale ou l’unité de compte solidaire au sein des contrats d’assurance vie multisports introduits par la loi PACTE.
Cependant, le développement des acteurs et des produits de la finance solidaire s’arrête souvent aux frontières françaises : des barrières aussi bien culturelles que règlementaires ralentissent leur internationalisation. De plus, les spécificités des entreprises sociales sont insuffisamment reconnues et celles-ci se retrouvent trop souvent exclues de programmes classiques de financements européens. Pourtant, des innovations françaises telles que les fonds 90/10 suscitent un fort intérêt hors de nos frontières.
FAIR propose que la France, forte de son expertise, s’inscrive comme fer de lance de la finance à impact social en Europe et à l’international.
 

Proposition #10 – Créer un label européen de finance solidaire

L’évolution de la finance solidaire en France et le succès du label Finansol l’ont montré : les épargnants veulent savoir et décider à qui et à quoi sert leur argent. Pour cela, ils ont besoin d’informations claires, précises et transparentes de la part de leurs établissements financiers mais ils ont également besoin de pouvoir faire confiance à un référentiel exigeant, gage de la qualité « sociale » des produits qui leur sont proposés.
Pour favoriser le développement de la finance à impact social en Europe mais aussi pour adopter un référentiel commun, FAIR propose que soit créé, en lien avec ses homologues en Europe, un label européen de finance solidaire.